![]() Podcast Révolution des Cœurs
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À travers des témoignages poignants, le podcast Révolution des Cœurs, disponible sur Instagram, Spotify, Deezer et Apple Podcasts, célèbre les luttes des femmes de culture arabo-musulmanes pour briser les injonctions religieuses et culturelles, comme celles liées à la virginité ou aux relations amoureuses.
Soraya, Française de culture musulmane, est l’initiatrice du podcast. Marquée par son propre parcours d’émancipation face aux tabous familiaux, notamment après avoir aimé un non-musulman, elle a créé cette plateforme pour donner la parole aux femmes arabo-musulmanes. Courageuse et non anonyme, Soraya milite pour libérer ces voix invisibilisées, tout en veillant à ce que son projet reste indépendant et ne fasse pas l’objet de récupérations politiques. |
Propos recueillis par Sébastien Tertrais
ST : Votre podcast Révolution des Cœurs donne la parole aux femmes arabo-musulmanes pour briser des tabous comme la virginité ou les relations avec des non-musulmans. Qu’est-ce qui vous a inspiré à créer cette plateforme, et quel impact espérez-vous avoir sur les auditeurs, qu’ils soient issus de votre communauté ou d’ailleurs ?
Soraya : Ce podcast est avant tout le fruit de mon propre parcours personnel. En grandissant dans une famille musulmane, j’ai été confrontée à des tabous qui m’ont parfois étouffée. J’ai bénéficié d’une certaine liberté (sorties, voyages), avec toutefois un interdit bien clair : hors de question de tomber amoureuse d’un homme non-musulman. Après avoir vécu des moments difficiles en affirmant qui j’étais et qui j’aimais, je me suis sentie seule. J’ai décidé de raconter mon vécu, d’abord en ligne, puis j’ai co-organisé un cercle de paroles avec des femmes dans la même situation que moi. Cette soirée fut un véritable électrochoc : ces histoires d’émancipation difficile sont souvent racontées derrières des portes closes. J’ai décidé de faire tomber les murs.
L’inspiration derrière Révolution des Cœurs est de donner une voix à toutes ces femmes arabo-musulmanes qui, comme moi, ressentent ce poids du silence. Ce podcast est un espace où elles peuvent partager leurs expériences, leurs luttes et, surtout, leurs joies. Je veux briser les tabous, montrer que chaque parcours est unique et mérite d’être écouté, sans jugement.
Quant à l’impact que j’espère avoir, je voudrais que ce podcast serve de miroir pour celles qui vivent des situations similaires, mais aussi de pont entre différentes cultures et communautés. Les auditeurs, qu’ils soient issus de ma communauté d’origine ou d’ailleurs, peuvent découvrir des histoires qui remettent en question les stéréotypes, et ouvrir une réflexion sur l’émancipation des femmes au sein de différentes traditions. C’est une invitation à l’écoute, à la compréhension et, je l’espère, à la tolérance.
Les témoignages de votre podcast révèlent des luttes universelles pour la liberté et l’autonomie. Comment ces récits peuvent-ils, selon vous, contribuer à rapprocher des communautés souvent opposées, en France et au-delà ?
Même si ces témoignages sont ancrés dans une réalité spécifique, celle des femmes arabo-musulmanes, ils touchent à des questions universelles : la recherche de son identité, le désir de s’émanciper des attentes sociales, l’amour, et la quête de soi dans un monde qui impose souvent des rôles figés. J’aimerais montrer que la communauté musulmane n’est pas un bloc monolithique et que certaines femmes se battent pour obtenir le respect de leurs libertés les plus fondamentales.
Les femmes que j’interviewe partagent leurs luttes contre des normes étouffantes, mais elles parlent aussi de leurs rêves, de leurs espoirs, et de leurs réussites. Ce sont des histoires qui montrent la force de la résilience, et c’est ce qui permet de créer des ponts entre les communautés. Je reçois beaucoup de retours, après la sortie d’un épisode, d’auditeurs aux profils très variés. Les participantes et les auditeurs sont réunis par ce besoin commun et profondément humain : celui d’être soi-même.
Vous avez mentionné que les parcours d’émancipation des femmes arabo-musulmanes sont souvent invisibilisés dans les médias. Quels obstacles rencontrent ces voix pour être entendues, et comment votre podcast cherche-t-il à changer cette donne ?
Soraya : Le premier obstacle vient des femmes concernées elles-mêmes. De nombreuses femmes ont peur de parler : peur du rejet familial, peur de briser l’honneur, peur des représailles, parfois même peur pour leur sécurité. Cela pousse des femmes à s’autocensurer et à rester dans le silence.
Ensuite, il y a un obstacle médiatique, car nos vécus sont, malgré nous, politiques. Le sujet est vu comme sensible malheureusement, car il stigmatiserait la communauté musulmane. Or, en brisant le silence sur les problèmes au sein de la communauté, nous donnons l’opportunité aux individus de se remettre en question, de faire évoluer leurs mentalités et ainsi se débarrasser de traditions qui enferment plus qu’elles ne libèrent.
J’essaie d’assainir cette problématique au maximum. Je répète sans cesse : si l’on écoute les témoignages avec une boussole 100% féministe, on ne peut qu’accueillir ces témoignages avec bienveillance et soutenir ces femmes sans hésitation.
Mon podcast se donne pour mission d’offrir une plateforme indépendante et sans filtre à ces femmes. C’est une manière de contourner la façon dont les médias traditionnels les représentent ou, pire, les ignorent complètement. Chaque épisode permet d’entendre des témoignages qui ne sont ni édulcorés ni formatés. Les femmes qui se confient ne sont pas là pour coller à un modèle préexistant, mais pour offrir une vision nuancée et intime de leur parcours.
Vous insistez sur l’importance de garder Révolution des Cœurs indépendant des récupérations politiques. Comment faites-vous pour que ces témoignages restent un espace de dialogue universel, et pourquoi est-ce essentiel pour votre projet ?
Je suis très attentive à ce que Révolution des Cœurs reste un espace centré sur les voix des femmes elles-mêmes, sans qu’il soit instrumentalisé par des agendas extérieurs. Les récits que je recueille parlent de liberté, d’amour, de dignité — des thèmes qui résonnent au-delà des cultures et des croyances. En restant indépendante, je protège la sincérité des témoignages et je permets à toutes et tous de s’y reconnaître. C’est essentiel, car le podcast ne cherche pas à opposer, mais à créer un espace de dialogue où les expériences intimes deviennent universelles.
Mon initiative est transpartisane, car elle défend les droits les plus fondamentaux de ces femmes courageuses qui témoignent. Il est donc primordial de rester indépendante et de transcender le traditionnel clivage gauche-droite. Je souhaite rassembler autour de cette question de l’émancipation.
Vous parlez d’une « révolution sexuelle » nécessaire, en écho à Mona Eltahawy. En quoi la parole des femmes que vous mettez en avant peut-elle transformer les dynamiques patriarcales dans les communautés musulmanes et favoriser une meilleure cohabitation avec la société française ?
Je fais souvent référence en effet au livre de Mona Eltahawy (« Pourquoi le Moyen-Orient doit faire sa révolution sexuelle ») car il aborde une réalité taboue : dans beaucoup de familles arabo-musulmanes, la sexualité féminine reste enfermée dans le silence, la honte ou le contrôle. Des sujets comme la virginité, le mariage ou le droit d’aimer librement sont encore vécus comme des tabous. Tant que ces questions sont interdites de parole, les rapports de domination patriarcaux continuent à se reproduire, de génération en génération.
Ce que j’essaie de faire avec Révolution des Cœurs, c’est de donner à entendre des femmes qui brisent ce silence, parfois pour la première fois. Le simple fait de dire “voici mon histoire” est déjà une manière de fissurer le système. Et quand ces histoires s’additionnent, elles construisent une mémoire collective, une force commune qui peut transformer nos communautés de l’intérieur.
En donnant la parole aux premières concernées, on complexifie le regard, on montre qu’il existe une pluralité de vécus, de trajectoires, de résistances. Cela contribue à une meilleure cohabitation, car une société qui écoute toutes ses voix est une société plus juste, plus apaisée.
Votre podcast suscite un élan chez de nombreuses femmes qui souhaitent partager leurs histoires, malgré les pressions. Qu’est-ce qui, selon vous, motive cet élan, et comment peut-il inspirer un mouvement plus large pour l’émancipation et l’unité sociale ?
Ce qui motive cet élan, c’est d’abord un besoin vital de parler. Beaucoup de femmes ont grandi avec l’idée que leurs histoires devaient rester secrètes, que leur souffrance devait être tue, que leurs désirs étaient illégitimes. Alors, quand elles découvrent qu’un espace existe où elles peuvent raconter sans être jugées, elles s’y engouffrent avec force. Cet élan vient d’une soif de reconnaissance, de dignité et de liberté.
Quand une femme ose dire “voilà ce que j’ai traversé”, elle ouvre la voie à celles qui se taisaient encore. Cela crée un effet boule de neige : le courage devient contagieux. Et plus ces récits circulent, plus ils brisent l’isolement dans lequel beaucoup se trouvent.
Ma plus belle victoire, ce sont ces centaines de messages reçus, de femmes tapies dans l’ombre, qui se reconnaissent dans le podcast et qui me promettent de témoigner un jour, « quand l’orage sera passé. »
Ces histoires ne sont pas seulement des histoires individuelles : elles révèlent des mécanismes d’oppression communs, elles pointent des injustices systémiques. Les partager, c’est commencer à les déconstruire ensemble. En ce sens, mon podcast n’est pas seulement un projet intime, c’est aussi un appel à l’unité sociale : reconnaître la pluralité des vécus, célébrer le courage de ces femmes, et comprendre que leur émancipation est une victoire pour toute la société.
Pour celles et ceux qui découvrent Révolution des Cœurs, comment peuvent-ils soutenir votre projet, et quels sont vos espoirs pour son avenir afin de continuer à faire évoluer les mentalités sur les questions d’identité et de genre ?
La première manière de soutenir Révolution des Cœurs, c’est tout simplement d’écouter les épisodes, de les partager et d’en parler autour de soi. Chaque fois qu’une nouvelle oreille découvre ces récits, cela élargit le cercle de personnes touchées, et c’est une petite victoire contre le silence. Les abonnements sur les plateformes d’écoute, sur Instagram et les partages sur les réseaux sociaux ou même les discussions de bouche-à-oreille sont essentiels pour que ces voix ne restent pas confinées.
Pour un soutien encore plus concret, j’ai créé une cagnotte de financement participatif. Mon travail depuis maintenant 11 mois est bénévole et le financement collectif me permet de rester indépendante et de diffuser une parole libre.
Quant à l’avenir, j’ai deux grands espoirs. Le premier est que le podcast continue à être un espace de libération intime pour les femmes qui y participent, et que de plus en plus d’entre elles trouvent le courage de briser leurs chaînes intérieures. Le second est plus large : j’aimerais que Révolution des Cœurs aide à changer les mentalités, notamment au sein des familles musulmanes.
Je ne milite pas seulement pour un peu plus de tolérance mais pour l’acceptation sans compromis des femmes qui font des choix différents, au sein de leurs familles.
Je terminerai sur ces mots : le courage est contagieux. Que la Révolution des Cœurs commence !
Écoutez Révolution des Cœurs sur Spotify, Apple Podcasts, ou Deezer,
et soutenez le projet via la cagnotte participative pour amplifier ces voix courageuses.
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Sébastien Tertrais: AuteurVoir toutes les publications Fondateur et rédacteur en chef à OHERIC-Média