OGM, santé et discours militants : quand la rigueur scientifique remet les pendules à l’heure

Nos confrères de Les Électrons Libres ont publié ce jour un article sur une étude longitudinale menée sur des macaques nourris au maïs OGM. Curieux d’en savoir plus, nous sommes allés lire l’étude dans le détail. Voici ce que nous en tirons : une mise au point utile, des résultats solides et une leçon plus large sur notre rapport collectif à la vérité scientifique – en particulier face aux discours militants qui, depuis des années, affirment sans preuve que les OGM représenteraient un danger pour la santé humaine.

Une étude rare, rigoureuse, et très attendue

L’étude en question -A >7-Year Feeding Study on the Long-Term Effects of Genetically Modified Maize Containing cry1Ab/cry2Aj and EPSPS Genes on Immune Status and Serum Metabolites in Two Generations of Cynomolgus Macaques1, publiée en juin 2025 par l’American Chemical Society dans  la revue scientifique Journal of Agricultural and Food Chemistry, porte sur des macaques cynomolgus nourris pendant plus de sept ans avec un maïs génétiquement modifié (contenant les gènes cry1Ab/cry2Aj et G10evo-EPSPS). Ce maïs est conçu pour résister aux insectes et tolérer les herbicides à base de glyphosate. L’étude suit deux générations d’animaux (F0 et F1), elle analyse une batterie de marqueurs immunitaires, hématologiques et métaboliques, et compare trois régimes alimentaires : OGM, non OGM, et alimentation standard.

Le verdict est clair : aucun effet toxique ou immunitaire notable n’a été observé, même à long terme et sur deux générations. Les quelques variations biologiques identifiées (cytokines, métabolites, paramètres sanguins) sont mineures, non cohérentes entre générations et présentes également dans les groupes témoins.

Ce que cette étude confirme — et ce qu’elle invalide

Elle ne prouve pas que les OGM sont « bons » ou « sans risque », ce qui serait un raccourci malhonnête. Mais elle confirme, par une méthode rigoureuse et un modèle animal très pertinent pour l’homme, l’absence d’effets délétères liés à la consommation prolongée de ce type de maïs.

Elle invalide donc les accusations générales, proférées depuis plus de deux décennies par certains groupes militants, selon lesquelles les OGM agricoles seraient intrinsèquement nocifs pour la santé humaine. Or, ces accusations n’étaient pas neutres : elles ont profondément influencé la réglementation, freiné la recherche agronomique et nourri une méfiance durable du public.

L’acétamipride : même scénario, même réflexe de suspicion

Ce phénomène se répète aujourd’hui avec l’acétamipride, un insecticide pourtant autorisé au niveau européen, et souvent le seul recours restant pour les cultures de plein champ confrontées à des ravageurs devenus résistants. Là aussi, des voix se lèvent pour demander son interdiction, sans preuves solides, au nom d’un principe de précaution devenu réflexe idéologique.

Cette dynamique est préoccupante : on passe d’un principe de précaution raisonné à une culture du soupçon systématique, où la charge de la preuve est inversée — ce n’est plus à l’accusation d’apporter des données, mais à la science de prouver l’absence de tout effet dans toutes les conditions imaginables.

Ce que l’agriculture paie, quand la science recule

Les premières victimes de ce climat sont les agriculteurs. Privés d’outils validés scientifiquement (OGM, phytosanitaires ciblés, techniques de sélection modernes), ils se retrouvent pris en étau : entre les injonctions écologiques d’un côté, et l’interdiction des solutions concrètes de l’autre. Le résultat : des impasses agronomiques, une baisse de compétitivité, et une dépendance accrue aux importations… parfois issues de pays qui utilisent sans scrupules les technologies qu’on diabolise ici.

Conclusion : défendre la science, ce n’est pas défendre un camp

La science n’est pas un parti, elle est un processus. Ce processus ne garantit pas la perfection, mais il est la meilleure méthode dont nous disposons pour distinguer le réel du fantasme, le possible du prouvé.

S’opposer aux discours militants mal fondés, ce n’est pas faire le jeu des multinationales ou de l’agro-industrie. C’est défendre la possibilité de décider en connaissance de cause, à partir de données rigoureuses, et non de croyances.

On parle donc de consensus scientifique, qui désigne un accord majoritaire, stable et fondé sur des preuves, au sein d’une communauté d’experts reconnus dans un domaine, sur l’interprétation des faits, données ou modèles relatifs à une question scientifique précise. Il ne s’agit ni d’un vote, ni d’un décret d’autorité, ni d’une opinion imposée par la majorité : c’est le résultat dynamique d’un processus critique, où les hypothèses sont testées, débattues, réfutées ou consolidées, jusqu’à ce qu’un noyau de connaissances soit considéré comme robuste, reproductible et fiable.

Nous devons pouvoir exiger des preuves sérieuses avant de mobiliser l’opinion contre une technologie — surtout quand cette opinion, une fois façonnée, devient presque impossible à réinformer. Il est temps de restaurer cette exigence intellectuelle dans le débat public, et de rappeler que les faits, eux, ne sont pas militants.

Pour un prolongement utile, écoutez Vertiges quantiques sur France Culture, une émission d’Étienne Klein avec le prix Nobel de physique Alain Aspect. Comme toujours, « La conversation scientifique » excelle en pédagogie et érudition, abordant notamment la question du consensus scientifique.

  1. A >7-Year Feeding Study on the Long-Term Effects of Genetically Modified Maize Containing cry1Ab/cry2Aj and EPSPS Genes on Immune Status and Serum Metabolites in Two Generations of Cynomolgus Macaques. Minghao Li, Zheli Li, Weihu Long, Chenyun Wang, Qinfang Jiang, Yongjie Li, Cong Li, Zhisai Li, Yan Ding, Wanjing Yang, Rujia Yang, and Donghong Tang. Journal of Agricultural and Food Chemistry. DOI: 10.1021/acs.jafc.5c06423[]

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