Le meurtre d’un professeur de lettres
Le vendredi 13 octobre 2023, à Arras, Dominique Bernard, professeur de lettres de 57 ans, a été poignardé à mort par un jeune tchétchène radicalisé et fiché S de vingt ans. En 2014, quand ce jeune assassin avait douze ans, sa famille habitait auprès de Rennes, en Ille-et-Vilaine. Elle avait fait l’objet d’une procédure d’expulsion du territoire national, procédure que des collectifs ont réussi à faire annuler en engageant des recours judiciaires, ainsi qu’en faisant pression sur le pouvoir politique. Après des années de procédure, le père a été expulsé en 2018 et la mère est restée en France avec ses cinq enfants, dont deux filles. Deux de ses garçons se sont radicalisés au contact du père, ce dernier ayant régulièrement continué à échanger avec ses fils, et avec l’organisation État islamique. L’on apprendra aussi que les deux garçons faisaient vivre un véritable calvaire à leur mère.
Ces différentes informations ont suscité l’indignation et ceux qui avaient empêché l’expulsion de cette famille ont été quelque temps considérés comme coresponsables de l’assassinat de ce professeur. Si le lien avec l’assassinat de Samuel Paty a été fait, l’on n’a pas entendu ou lu qu’on s’orientait vers la recherche des causes profondes de ce drame. Quand je parle des causes profondes, je parle de celles qui se situent derrière ces premiers éléments, masquées par le survol de l’analyse de cet assassinant, une sorte de constante dans notre société, qui ne creuse pas assez pour connaitre les mécanismes sous-jacents. Nous nous contentons de regarder quelques facteurs, nous effleurons les raisons les plus profondes.
Et s’il était possible de savoir vers où se dirige notre civilisation en regardant là d’où nous venons ?
Dit autrement, quelle est cette trajectoire sur laquelle nous sommes, quand a-t-elle commencé, qu’est-ce qu’elle dit du chemin que nous prenons, et conséquemment, peut-on éviter le pire ?
Je vais m’essayer à l’exercice, d’une importance capitale, car c’est loin d’être la première fois que nous passons à côté de la clé de compréhension des graves dérives vers lesquelles nous glissons, qui petit à petit nous conduisent à une issue qui pourrait bien nous être fatale. L’enfer est pavé de bonnes intentions, nous l’avons oublié.
L’importance de la compréhension de la trajectoire
Force est de constater cette fois encore l’absence d’une analyse attentive et approfondie des facteurs qui conduisent à l’émergence de tels actes. C’est pourtant la seule façon d’identifier les responsabilités de chacun et de prévenir l’apparition d’autres troubles. De la même manière qu’un accident de la circulation ou un crash d’avion est toujours la conséquence d’une succession d’évènements particuliers et de multiples responsabilités (fatigue, empressement, état du véhicule, de la route, respect des opérations de contrôle,…), un assassinat, le décès d’un mineur délinquant au volant d’une voiture de location, ou un massacre de spectateurs au Bataclan, sont la conséquence de raisons plus profondes. Or, nous nous contentons de survoler la situation, nous ne prenons pas le temps de poser un diagnostic précis, et nous ne nous donnons pas les moyens de lutter contre l’apparition des prochains drames.
Ces évènements n’arrivent jamais par hasard. De tels actes sont nés d’un substrat fertilisé par différentes mains préparées à ce travail servant d’autres intérêts, qui s’inscrivent certainement encore dans des enjeux plus larges.
Aucun fait, aucun drame, aucun accident, aucun meurtre, aucune guerre n’intervient sans l’existence de préalables. Identifier les auteurs de ces faits ainsi que les coauteurs rassure sans doute un peu, mais cela ne change rien au fond de la situation.
Toutes ces situations ont fait l’objet de mises en garde, par des experts, trop souvent niés. Des négligences ou des renoncements, même d’apparence mineure, des compromis, des petits arrangements avec la règle, un déni coupable, autant d’éléments d’une liste incomplète de ce qui, mis bout à bout, a participé à ce qui aurait pu être évité. C’est une chute au cours de laquelle plusieurs se sont dit que jusqu’ici tout allait bien, c’est une trajectoire dont chaque courbe, chaque accélération, chaque nid de poule a participé à l’issue fatale.
Notre actualité s’inscrit, elle aussi, dans une trajectoire que l’émotion nous empêche de regarder avec le discernement requis. Pourtant, c’est bien d’une analyse approfondie que pourront émerger les décisions qu’il conviendra de prendre pour éviter le chaos qui s’annonce.
Déjà nous devons nous poser une première question, quel est le point commun entre toutes ces attaques ?
Le point commun de l’ensemble de ces attaques
Le point commun entre les attentats terroristes de Charlie Hebdo, du Bataclan, les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard, les massacres du sept octobre 2013 en Israël, est le fait que des individus, en l’occurrence des hommes, au nom de l’Islam, ont considéré que des civils (pas des militaires), en raison de ce qu’ils représentaient, à leurs yeux, devaient mourir.
Il n’ont pas décidé de leur propre chef de tuer des festivaliers, ces assassins ne sont pas nés mauvais. Cette radicalisation s’appuie sur un manichéisme qui ne peut être que la conséquence d’un ensemble de conditionnements qui a conduit à ce que ces individus se croient investis d’une mission divine ainsi qu’à considérer que la vie de leurs victimes ne valait rien, si ce n’est pour l’indignation et la colère que leur massacre allaient susciter. Une empathie abolie a ensuite rendu le passage à l’acte inéluctable, comme pour ce qui se fait de pire dans les abattoirs.
Il est utile à ce titre de considérer que l’esprit humain est façonnable et qu’il est possible, avec des techniques de manipulation et d’endoctrinement, de fabriquer des assassins, ou plus simplement encore de survaloriser le statut de martyr au point de désinhiber un individu. Ainsi, comme on peut le voir dans l’extrait qui suit, avancé par l’anthropologue française Florence Bergeaud-Blacker, chargée de recherche au CNRS, des mères se disent fières de savoir que leurs enfants sont morts au nom du prophète.
La culture du martyr et des kamikazes se transmet par les mères. Ces femmes fanatisées sacrifient leurs enfants. Puissance inouïe de l’endoctrinement islamiste. https://t.co/l0qGHH0biI
— Florence Bergeaud-Blackler 🎓 (@FBBlackler) November 12, 2023
S’il est inutile de dire que nos civilisations et nos cultures sont trop opposées pour envisager une cohabitation équilibrée, que nous ne jouons absolument pas avec les mêmes règles, il est nécessaire de préciser que nous avons depuis des années contribué à fabriquer le terreau qui a permis à ces idées de germer. On pensera bien entendu à la place que nous laissons à l’Islamisme, mais j’aimerais qu’on aille plus loin, car comme nous le voyons en ce moment même, au travers des clivages qui divisent notre pays, dont plusieurs étaient déjà visibles au moment de l’attaque du journal Charlie Hebdo, la proximité de l’ultra-gauche avec la violence et les actes totalitaristes est aujourd’hui visible de tous. Et s’il y a bien une raison à cela, c’est que le fonds de commerce de ce courant politique et du terrorisme est la victimisation.
Victimisation
Nous l’avons vu plus haut, de tels actes sont favorisés par des approches simplistes de tous les sujets, et dans le cas présent, par leur réduction à une approche victimaire. Exonérés de toute forme de responsabilité, des individus vont considérer que l’autre, ou les autres, sont responsables des difficultés qu’ils rencontrent, ou des maux du monde. Les plus fanatiques vont se sentir investis d’une mission de justice si importante qu’ils n’hésitent pas à faire l’usage de la force pour imposer leur point de vue. On pensera ici aux manifestations que l’on connait tous, dont le débordement violent ne dérange pas l’ultra-gauche, mais aussi au blocage des routes par de jeunes individus persuadés de détenir la solution pour inverser les changements climatiques, ou encore à la haine des riches qu’on voit émerger dans ce courant idéologique.
En psychologie on parle d’un phénomène voisin, celui du triptyque Bourreau/Victime/Sauveur, canevas d’analyse transactionnelle1 théorisé en 1968 par le médecin psychiatre Stephen Karpman.
Voici un schéma qui illustre la façon avec laquelle des individus simplifient les relations en les caricaturant à l’extrême pour prendre une place confortable.
Mais ce n’est pas tout. Pour que cette approche simpliste fonctionne, il faut s’exonérer de toute forme de responsabilité.
Une déresponsabilisation historique des citoyens
Quand on considère avoir une responsabilité dans les difficultés qu’on rencontre on ne peut être dans la position de victime. C’est bien la déresponsabilisation d’un individu qu’il le mène sur la voie de la victimisation, qui conduit à cette radicalité que nous voyons de plus en plus souvent à l’oeuvre.
Et c’est là où le bât blesse, car depuis plus de quarante ans notre société toute entière s’est inscrite sur la voie de la déresponsabilisation des individus, et de très nombreuses organisations ou associations, en s’institutionnalisant, en se spécialisant, le tout grâce à des financements généreux, quoi qu’en pensent les intéressés, ont largement contribué à ce phénomène.
Quand Lino Ventura s’insurgeait du laxisme et de la culture de l’excuse en France face à la délinquance (1982) pic.twitter.com/RSfFHmW7IW
— Destination Ciné (@destinationcine) November 17, 2023
Une trajectoire des plus inquiétantes, permise par les bons sentiments
Il serait toutefois trompeur de nous arrêter à ces derniers points, même si ceux-ci clarifient la situation.
Le phénomène auquel nous assistons est consubtanciel à celui qui touche un grand nombre d’ONG et d’anciennes nobles institutions et organisations nationales et internationales, dont encore une fois chacun constate aujourd’hui leur très grande porosité avec les idées d’ultra-gauche. À ce titre le silence assourdissant des associations féministes quant aux féminicides et aux actes horribles commis sur les femmes et les enfants par le Hamas choque et devrait d’ailleurs nous interroger sur la probilité de ces organisations tant leurs combats influencent notre pays. Les protestations sont malheureusement bien timides.
Cette dérive qui saute aux yeux de tous aujourd’hui n’est pas spontanée. Les attaques terroristes du Hamas agissent seulement comme un révélateur, mais la tendance est prise là aussi depuis très longtemps, elle est liée à ce que j’appelle le syndrome du local jeune, phénomène qui ouvre la voie à une perte du sens de la valeur des choses ainsi qu’à une dégradation de la qualité des membres présents au sein des instances dirigeantes d’une institution.
Le syndrome du local jeune
Pour expliquer comment les choses ont évolué j’utilise donc un phénomène bien connu que j’enseignais à mes étudiants en sociologie et géographie entre 2008 et 2011. Dans les années 80, après la vague d’urbanisation des communes situées au delà de la première couronne des villes d’importance moyenne 2, des jeunes de plus de 14 ans ont commencé à monter des projets de rénovation ou de réhabilitation de locaux communaux laissés à l’abandon pour y faire des locaux pour les jeunes, les fameux « local jeune« . Ces jeunes, très investis, ont réuni leurs efforts pour un projet ayant de l’importance à leurs yeux. Une fois ouvert, ils le géraient avec beaucoup d’attention et de vigilance, en faisant preuve de fermeté avec les quelques petits « branleurs », selon le terme consacré, de façon à préserver ces lieux. La responsabilité était partagée, depuis l’équipe municipale jusqu’aux jeunes en passant par leurs parents.
Ces jeunes ont ensuite grandit, ils sont partis, il a fallu les remplacer, une cooptation s’est organisée, et le second rang a continué à être garant des mêmes valeurs, avec l’apparition discrète d’une première baisse du niveau d’importance de l’engagement. Et pour cause. Le lieu étant déjà là, ces jeunes ne lui ont pas accordé la valeur que lui accordaient leurs ainés. Petit à petit, à chaque remplacement de l’équipe garante des lieux, la valeur de cet espace dans le coeur de chacun s’est diluée, jusqu’à une perte d’engagement, ce qui a conduit à des dégradations, voire à l’abandon et à la fermeture de ces lieux.
Une lourde erreur serait de considérer que les jeunes de la nouvelle génération sont moins consciencieux que leurs ainés. Il n’en est rien. Ce qui se joue est la notion d’engagement, de perte de sens de la valeur des choses, un phénomène bien connu, « Bien mal acquis ne profite jamais » dit-on, ou bien encore « Le paiement valorise le service rendu« , comme on s’évertue à l’expliquer aux élus très naïfs et tétus qui croient en la gratuité des transports publics.
Voici le drame de notre société. Les associations, les syndicats, les ONG sont toutes nées de l’engagement de fondateurs qui se sont mis au service de projets d’importance majeure. Les années passants, les pionniers sont partis, leurs remplaçants ont suivi le même processus que les jeunes du local jeune, avec comme élément perturbateur d’importants apports financiers, qui attisent les convoitises, ainsi que des batailles d’égo, ces organisations étant pour beaucoup d’entre elles des faire-valoir.
Au fil des années, bien que le nom de ces organisations n’ait jamais changé, les valeurs se sont considérablement dégradées. Beaucoup ont été dévoyées à des fins idéologiques éloignées de l’objectif premier, les meilleurs sont partis, laissant la place aux médiocres et aux idéologues.
C’est ce à quoi nous assistons aujourd’hui. D’innombrables institutions ou associations ne sont plus que des coquilles servant d’autres intérêts que ceux ayant conduit leurs fondateurs à réunir leurs bâtons de pélerins et leurs efforts pour les mettre sur pieds.
La baisse du niveau de compétence et d’engagement des acteurs de ces organisations n’a cessé de baisser, il en est de même dans la vie politique.
La profonde dégradation du niveau de compétence du monde politique…
Il est fort logique que le monde politique soit touché par le même phénomène. Au fil des années la part des meilleurs s’est réduite comme une peau de chagrin, pour en arriver aujourd’hui à une politique Potemkine. Le dernier coup de grâce (il y en aura d’autres si nous ne réagissons pas de toute urgence) a été donné par la loi sur le non cumul des mandats de 2014. On a cru bien faire en interdisant à des députés d’être maire, mais ça a été une erreur. Non seulement cette disposition a écarté des élus expérimentés et compétents, mais cela a aussi créé un appel d’air pour l’arrivée de nombreux maires ou députés sans expérience. L’attractivité de l’exercice politique a encore baissé, et cette nouvelle disposition, ajoutée à la difficulté croissante de la tâche, a conduit une multitude d’élus à rendre leur écharpe. Voici comment une nouvelle passe de baisse de niveau s’est installée dans notre pays.
S’ajoute à cela une autre cause insuffisament connue, le glissement progressif vers le raisonnement en silo.
…à laquelle s’ajoute la généralisation des raisonnements en silo…
Un raisonnnement en silo signifie que chaque sujet n’est plus traité que de façon analytique, décorellé de ses liens pourtants forts avec d’autres composantes de notre société.
L’institutionalisation des structures associatives, c’est à dire leur évolution de projet modeste, où les pionniers faisaient tout, à une organisation subventionnée, avec des salariés dédiés à des mission spécifiques, s’est accompagnée des regressions citées plus haut. Dans le même temps, au travers de l’hyperspécialisation de chaque service, on a assisté à une généralisation des raisonnements en silo. Les débats sont peu à peu devenus caricaturaux, et irresponsables. Pour illustrer le propos je vais parler d’une situation que je connais parfaitement, un des rares dossiers où je prétends être expert, celui de l’accueil des gens du voyage.
Les premières aires d’accueil des gens du voyage ont été créées en France au début des années 60. Le Grand Ouest, pionnier sur le sujet, a vu naitre des associations constituées d’élus, de notables, qui tous ont mis la main à la pâte pour créer de tels équipements et les gérer de façon à proposer un accueil décent à une population dont le mode de vie était au fil des années devenu peu compatible avec l’urbanisation croissante du pays. Laval, Rennes, Nantes, Brest, Angers, Nantes, Saint-Brieuc, ont très vite disposé d’une aire d’accueil des gens du voyage au sein de laquelle des écoles ont souvent étés ouvertes.
Jusque dans les années 2000 toutes les aires d’accueil étaient gérées par des associations qui assuraient l’accompagnement socioéducatif, l’entretien, la maintenance et la gestion administrative et financière. Le personnel qui travaillait sur ces lieux de vie pouvaient ainsi procéder à l’encaissement des loyers, des paiements des fluides (eau, électricité), il assurait l’entretien des équipements collectifs, distribuait le courrier, effectuait des réparations, tout en accueillant les uns et les autres pour des démarches à caractères administratif, social, culturel ou professionnel. Tout le monde connaissait tout le monde. C’est un peu ainsi que les premiers travailleurs sociaux sont nés dans ces structures, au travers d’une mission polyvalente dépassant le seul volet technique.
Petit à petit les associations ont scindé leurs activités en un service de gestion et un autre dédié à des missions à caractère socio-éducatif. Chacun ne cotoyait plus les familles que sur un seul angle. Un assistant social, par exemple, ne voit que des familles en demande d’aide, avec une présentation de leur situation très orientée. La multiplication de ces contacts constitue un biais. Un agent d’entretien ne voyait les familles que sous l’angle particulier de son travail. Ainsi ces associations ont commencé à voir apparaitre des clivages entre l’équipe socioéducative et l’équipe de gestion et d’entretien. Progressivement, eu égard aux différences de formation, chaque équipe portait un regard critique sur l’autre, chacun étant persuadé d’être dans la vérité. Une expulsion d’une famille où des enfants étaient des casseurs était toujours gênée par l’équipe sociale. Les associations qui ont tenu le plus longtemps sont celles qui étaient dirigées par des hommes ou des femmes courageux, engagés, impliqués. Eux-seuls étaient capables de faire sens commun.
Ce fut le début de la fin de la mission de gestion de ces structures, une fin très vite confirmée par la promulgation des décrets d’application de la loi du 5 juillet 2000 qui fixait les obligations des communes et les engagements de l’État.
L’ensemble de notre société a suivi ce modèle. Désormais rares sont les individus à être habitués à penser de façon complexe et ouverte, en prenant en compte le point de vue des autres. Et il est difficile de nier la présence d’une suffisance déplacée d’une large part des professionnels ou bénévoles les plus influents du monde associatif et plus généralement encore des professions dites intellectuelles, qu’on retrouve très présent à l’avant d’une gauche bien-pensante et rouge-brune-verte.
Nous revenons donc à l’assassinat de Dominique Bernard, conséquence de la réunion de l’ensemble de ces facteurs, avec comme point d’orgue la vision simpliste et victimaire des associations qui ont tout fait pour annuler l’avis d’expulsion de la famille Mogouchkov, avec pour conséquence directe la fabrication dans l’esprit du père, écarté de ses enfants, de la place de victime. La suite, vous la connaissez.
… et un abyssal manque de courage
Le tableau ainsi dépeind, de façon très synthétique, ne saurait être complet sans parler de l’incroyable manque de courage qui s’est instillé dans l’ensemble des instances décisionnelles de notre pays. Très peu d’acteurs politiques osent taper du poing sur la table, même lors des cas les plus flagrants, de peur d’être classé à l’extrême droite ou qualifié de raciste. Sentiment d’impunité, toute puissance, les ferments de l’agression collective d’un groupe de jeunes pendant une fête à Crépol ce samedi ou de l’instrumentalisation de la justice à des fins militantes, comme ici dans le cadre de la gestion des OQTF, sont bien là, et tous font le lit de la profonde fragilisation des pilliers de notre société. Les coups du butoir qu’ils reçoivent sont forts, réguliers, ça tient encore, notre démocratie est solide et protectrice, mais ne rêvons pas, les fissures sont déjà béantes.
Repavons l’avenir de meilleurs intentions
Bien sûr ce qui est développé dans cet article n’est qu’un survol du drame dans lequel nous nous trouvons, parfait reflet d’une responsabilité partagée. Nos silences, nos petits compromis, notre déni, nos complicités, nos renoncements sont autant de facteurs qui ont contribué nous conduite là où est notre pays, et notre civilisation. À chaque fois que nous avons tourné le regard, que nous avons accepté de nous taire quand on nous a accusé d’islamophobie, ou d’être d’extrême droite, toutes les fois où nous avons quitté une organisation qui partait à la dérive pour ne pas y participer, nous avons apporté un coup de masse aux pilliers de notre société. D’où l’absence totale de gêne de parents défaillants dans l’éducation de leur enfant délinquant à défiler dans les rues avec le soutien d’un nombre croissant de citoyens.
Nous allons avoir besoin de courage, de détermination, de force, et de tous pour éviter le chaos qui s’annonce, redresser la tête et offrir à nos enfants de nouveaux espoirs. Les faibles, les lâches et les traitres doivent comprendre que leur temps est révolu, et pour cela, il est capital que nous soyons très nombreux à en être convaincus.
C’est ici, en fin de cet article, que le discours de Abnousse Shalmani, présidente du Jury Prix de la laïcité 2023, donné le 18 novembre 2013, trouve sa place. Comme dirait un bon ami, expert aussi discret que brillant du numérique : « Elle est balistique ! Je pense qu’à cette heure ils sont toujours en train de l’applaudir ! »
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Sébastien Tertrais: Auteur/AutriceVoir toutes les publications Fondateur et rédacteur en chef à OHERIC-Média