Cet objet est un banc optique pour des expériences d’optique quantique, conçu pour démontrer et explorer des phénomènes fascinants de la mécanique quantique, notamment l’intrication des photons. Plus précisément, il permet de générer et d’analyser des paires de photons intriqués grâce à un module de SPDC (Spontaneous Parametric Down-Conversion), un processus où un photon de haute énergie est converti en deux photons de moindre énergie, mais qui restent liés par des propriétés quantiques.
À quoi sert cet objet ?
Ce système est utilisé pour tester des concepts fondamentaux de la mécanique quantique, comme la violation des inégalités de Bell. Ces inégalités montrent que, contrairement à ce que prédit la physique classique, des particules intriquées (ici, des photons) peuvent être corrélées de manière instantanée, même à grande distance. Par exemple, si on mesure l’état d’un photon (comme sa polarisation), l’état de l’autre photon est immédiatement déterminé, peu importe la distance qui les sépare. Ce phénomène, qui défie notre intuition classique, est une preuve de la nature non locale de la mécanique quantique.
Et la cryptographie quantique dans tout ça ?
L’intrication des photons, étudiée avec ce type de banc optique, est au cœur de technologies révolutionnaires comme la cryptographie quantique. Voici comment ça marche :
- Sécurité absolue grâce à la physique : Certains protocoles de cryptographie quantique, comme le E91, utilisent les propriétés des photons intriqués dans le cadre de la distribution de clés quantiques (QKD), permettant une transmission de manière ultra-sécurisée. Si un pirate tente d’intercepter les photons pour espionner la communication, il perturbera leur état quantique (en raison du principe d’incertitude de Heisenberg), et cette intrusion sera immédiatement détectée. C’est une sécurité garantie par les lois de la physique, et non par des algorithmes mathématiques comme dans la cryptographie classique, qui peut être vulnérable aux ordinateurs quantiques.
- Applications concrètes : Ce type de technologie est déjà testé pour sécuriser des communications sensibles, comme celles des banques, des gouvernements ou des infrastructures critiques. Par exemple, des réseaux quantiques ont été déployés en Chine (le réseau quantique de Pékin-Shanghai) et en Europe pour transmettre des données inviolables sur des centaines de kilomètres via des fibres optiques ou des satellites.
Lire aussi : Cybersécurité et gouvernance : l’analyse d’un avocat face aux nouvelles menaces numériques
Comment ça fonctionne sur ce banc optique ?
- Le module SPDC génère des paires de photons intriqués.
- Les composants optiques (lentilles, polariseurs, détecteurs) permettent de manipuler et mesurer les propriétés de ces photons, comme leur polarisation.
- En analysant les résultats, on peut vérifier la violation des inégalités de Bell, confirmant que les photons sont bien intriqués et que leurs comportements ne peuvent pas s’expliquer par des lois classiques.
- Ces mesures servent aussi à tester des protocoles de cryptographie quantique, en simulant la génération et la distribution de clés sécurisées.
Pourquoi c’est important ?
Ce banc optique est une passerelle entre la théorie et les applications pratiques. En étudiant l’intrication, on ne fait pas que confirmer les lois de la mécanique quantique : on pose les bases de technologies qui pourraient révolutionner la cybersécurité. Imaginez un monde dans lequel les hackers n’ont aucune chance d’intercepter vos données, même avec les ordinateurs les plus puissants ! C’est ce que des expériences comme celles-ci, sur un simple coin de bureau, nous aident à construire.
L’expert qui m’a aidé à rédiger cet article, c’est Raphaël Angleraux, de la société Icodia. Il travaille sur ce magnifique objet et avait ces derniers mots à nous dire.
L’idée pour faire simple, c’est qu’un processeur standard peut facilement multiplierdeux nombres premiers énormes, deux nombres de 2048 chiffres par exemple. Par contre, il faudrait des millions d’années pour, à partir du résultat, retrouver ces deux nombres premiers. Un processeur quantique, avec pas mal de qbits, prendrait quelques heures, quelques jours, grâce l’algorithme de Shor, pour factoriser un grand entier en temps polynomial, ce qui rend le chiffrement RSA cassable. Donc l’idée est de modifier la pratique de base des nombres premiers de RSA11 (qui repose sur le fait qu’il est très difficile de factoriser un grand produit de 2 grands nombres premiers) pour permettre que ça ne soit cassable. Dans les PQC (cryptographie post-quantique), et accepté par NIST, on va utiliser du chiffrement à base de réseaux (lattices2, espaces vectoriels inextricablement complexes), ou encore à base de codes correcteurs d’erreurs (basée sur des erreurs introduites volontairement dans des messages chiffrés), etc. Il y a pas mal de projets autour des algorithmes de cryptographie post-quantique, notamment à la Linux Fondation, et OpenSSL a publié des algorithmes PQC qui peuvent déjà être utilisés : les choses avancent. Mais l’intrication, c’est totalement autre chose, car ça repose sur un principe physique.
Lire aussi : Datacenters et IA : les défis énergétiques et environnementaux
Cadeau, la dernière vidéo de l’excellent Lê Nguyên Hoang de la chaine Science 4 All, c’est tout frais, ça vient de sortir il n’y a pas une heure ! (au moment de l’écriture de cet article)
-
Sébastien Tertrais: Auteur/AutriceVoir toutes les publications Fondateur et rédacteur en chef à OHERIC-Média