« Homo Cretinus » : quand l’ignorance s’arroge le pouvoir

Crétin (n.m.) : Personne si convaincue de sa propre intelligence que même un miroir se retient de lui dire la vérité. Souvent capable de résoudre des problèmes inexistants, avec un aplomb qui force l’admiration… ou la fuite.

À tout juste 50 ans, après avoir accumulé des années d’expérience dans des domaines aussi divers que la sociologie, la sécurité, la communication, le numérique, la politique, la psychologie, et la prospective, et fait de très nombreuses rencontres, une vérité s’est imposée à moi, je me dois de vous la partager : ceux qui possèdent une intelligence authentique et une ouverture d’esprit laissent toujours place au doute. Ils savent que le monde est complexe, que les certitudes ne peuvent être absolues, et que le questionnement est essentiel pour progresser. À l’inverse, j’ai souvent constaté que ceux qui manquent de culture et d’expérience affichent une assurance inébranlable, une obstination bornée, et une incapacité totale à se remettre en question.

Cette tendance devient un problème majeur lorsque ces individus commencent à occuper des places importantes dans nos sociétés. Ce phénomène massif est encore trop méconnu et pourtant, son impact est dévastateur. La bienveillance, généralement confondue avec la complaisance, a permis à ces personnes de se faire une place au plus haut de nos institutions et de nos organisations. Leurs opinions, simplistes et dénuées de profondeur ou de nuance, sont mises sur un pied d’égalité avec la connaissance et la science. C’est un fléau qui fragilise notre société, qui nous met tous en danger. En politique, espace des décisions structurantes, comme chacun peut le constater, c’est une catastrophe. Nous perdons tous un temps monumental à penser que ces individus peuvent comprendre, nous cherchons la bonne méthode, mais rien n’y fait, et le temps passe.

Pour comprendre l’ampleur et la puissance de ce phénomène, qui conduit des individus sans expérience à être si sûrs d’eux et aussi hermétiques à la connaissance et aux faits, il est utile de se tourner vers la neuroscience. Un exemple frappant est l’étude des travaux de chercheurs comme le Dr. Martin Rossman et le Dr. Sherrie Campbell sur les effets d’un ensemble d’interventions cognitives sur la performance aux lancers francs des joueurs de basket-ball universitaires pendant l’entraînement et la compétition, ou encore les recherches en psychologie cognitive sur les effets de la visualisation. Dans les conditions d’entraînement, une augmentation de la performance aux lancers francs pour les sujets étudiés s’est produite durant l’intervention post-traitement. Dans la condition de jeu, les sujets ont montré une amélioration post-traitement 1. 2 Ces travaux montrent que notre cerveau ne fait pas toujours la distinction entre la réalité et la visualisation.

De la même manière, les individus qui s’enferment dans des idées simplistes, et qui côtoient d’autres qui comme eux ne confrontent pas leurs idées à la réalité, finissent par renforcer ces croyances, les ancrant de plus en plus profondément. En politique, et dans de nombreuses organisations, puisque la confrontation avec le réel n’est pas obligatoire -les résultats ou l’implication n’a aucun impact sur la rémunération-, et que la véhémence et l’outrance ne sont pas sanctionnées, voire, en politique, parce qu’elles permettent d’attirer des électeurs, ce qui ressemble de plus en plus à un syndrome sociétal gravissime progresse. Ces individus, convaincus de leur propre rectitude, se confortent les uns les autres, rendant le dialogue et la remise en question pratiquement impossibles.

Il est important de souligner que l’expérimentation, le « faire », possède une vertu irremplaçable : celle d’amener chacun à la nécessaire humilité. Lorsque l’on s’engage dans l’action, que l’on confronte ses idées et ses théories à la réalité du terrain, on découvre rapidement que rien n’est aussi simple qu’il n’y paraît. L’expérience pratique révèle les limites de nos certitudes et nous oblige à ajuster notre compréhension du monde. C’est ce processus d’essai, d’erreur et d’apprentissage qui forge une véritable expertise et développe une ouverture d’esprit indispensable. C’est la raison principale du déni qui caractérise si bien nombre d’acteurs politiques, syndicaux ou associatifs. Il permet d’entretenir les illusions.

Notre société est désormais confrontée de plein fouet à cette dérive. Le déséquilibre entre les gens expérimentés et les autres, qu’il n’est pas déplacé de qualifier de « crétins », est flagrant. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle est renforcée par la plasticité du cerveau, qui peut, dans certains cas, devenir un allié des idées fausses et simplistes. Seuls quelques sphères sont relativement épargnées par ce phénomène, ce sont celles de l’entrepreneuriat, de l’artisanat, du commerce, de la recherche scientifique, de l’industrie,… Et pour cause, les grands discours n’y ont pas de place, puisque chacun est mis face aux réalités. Deux exceptions toutefois, le monde des startups, où les illusions peuvent aider à séduire des investisseurs inexpérimentés, et celui des responsables syndicaux, qui sont rarement les personnels les plus utiles dans une entreprise.

C’est en exposant ces dérives et en partageant ces expériences que nous pourrons, ensemble, commencer à rectifier le tir et à améliorer les choses.

Face à ce constat, le rubrique « Homo Cretinus » a vu le jour dans les articles et dossiers de OHERIC-Média. Cette catégorie vise à mettre en lumière ces situations où l’obstination et l’ignorance prennent le pas sur la raison et l’expérience. À travers des exemples concrets, tirés de nos propres expériences ou rapportés par d’autres, décortiqués et analysés, nous espérons aider chacun à mieux comprendre ce mécanisme pernicieux qui fragilise notre société et fait souffrir tant de monde dans de nombreuses organisations ou institutions. C’est en exposant ces dérives et en partageant ces expériences que nous pourrons, ensemble, commencer à rectifier le tir et à améliorer les choses.

Résoudre les difficultés auxquelles nous sommes confrontés exige que nous les regardions en face et que nous posions les bons diagnostics. Il est impératif que nous réapprenions à valoriser la connaissance, à encourager le doute constructif, et à repousser les certitudes infondées. Et surtout, que nous valorisions l’expérimentation, le « faire », comme un moyen de développer cette humilité et cette ouverture d’esprit si essentielles à notre société.

Explication du choix d’illustration : Il n’a pas été facile de choisir l’illustration pour cet article. Mais au bout du compte j’ai décidé de mettre en face à face la jeunesse, que certains n’hésitent pas à sacrifier au profil de leurs idéologies dangereuses, et la connaissance, incarnée par cette chercheuse. L’image a été générée par l’IA (Grok) après l’écriture d’un prompt taillé sur mesure.

  1. Effects of a cognitive intervention package on the free-throw performance of varsity basketball players during practice and competition, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/1484793/[]
  2. Il est souvent fait état d’une étude menée par le Docteur Blaslotto de l’université de Chicago. Selon cette étude, il aurait divisé une équipe de basketball en trois groupes pour tester leur habilité au lancer franc. Le premier groupe pratiqua des lancers francs pendant une heure par jour. Le deuxième groupe se contenta de visualiser ces lancers, tandis que le troisième groupe ne fit rien. Après 30 jours, les résultats furent surprenants : le groupe qui s’était entraîné physiquement s’améliora de 24 %, mais le groupe qui n’avait fait que de la visualisation progressa presque autant, avec une amélioration de 23 %. Mais je n’ai trouvé aucune source.[]

2 Responses

  1. Très juste. Il manque toutefois le cas des personnes intelligentes qui prennent des postures et simplifient à l’extrême pour mieux communiquer et manipuler un groupe: leaders politiques, gourous, leaders associatifs, etc.
    Ces personnes sont capables de professer des idées délirantes et de les faire admettre et propager par leurs « fidèles » . On en voit même qui tiennent un discours opposé a celui qu’elles tenaient auparavant.

  2. La sphère scientifique est loin d’être épargnée. Dr Marty : «On a des milliers d’années de recul sur ce vaccin, en quelque sorte, quand on additionne chaque personne qui a été vaccinée.» Ce genre d’absurdité est passée crème pendant toute l’ère Covid. Une idée n’a pas besoin d’être complexe pour avoir la valeur d’idée, et les personnes qui s’opposent à ce qui est malsain, corrompu, indécent dans notre société, n’ont pas à proposer de solution viable. Agir, c’est déjà dire STOP. La suite se fera, mais on ne bâtit pas sur des ruines, de la corruption et du mensonge. Bien à vous.

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