Christian Sempéres : « 37 ans dans le nucléaire : pourquoi je ne me tais plus »

Photo : EDF – CENTRALE NUCLÉAIRE DU TRICASTIN

Christian Sempéres
Christian Sempéres est un ingénieur et ancien manager dans le secteur nucléaire, avec 37 ans d’expérience dans la production électrique, dont 25 ans en management. Diplômé de l’École des Hautes Études d’Ingénieur (HEI), il est aujourd’hui coach professionnel certifié par Linkup Coaching et référent à l’EMCC France, accompagnant individus et organisations dans le changement.

Auteur de Comprendre la Spirale Dynamique pour mieux l’utiliser, il analyse les crises sociétales et énergétiques avec une approche factuelle. Engagé contre la désinformation, il défend le nucléaire comme pilier d’une transition énergétique bas-carbone et critique les politiques simplistes, plaidant pour une expertise des « faiseurs » dans les décisions publiques.

OM : Christian Sempéres, vous avez 37 ans d’expérience dans le nucléaire et vous êtes aujourd’hui coach professionnel, tout en restant un citoyen engagé sur les enjeux énergétiques. Qu’est-ce qui vous motive à continuer à intervenir dans le débat public, notamment sur des sujets comme le black-out ibérique du 28 avril 2025 ?

Ma première motivation est de pouvoir enfin parler. Lorsque vous êtes salarié d’une entreprise, quelle qu’elle soit, et que vous êtes en contradiction avec l’actionnaire, vous avez deux solutions soit vous partez pour parler sans pouvoir agir concrètement soit vous restez pour agir en vous taisant. J’ai choisi la seconde solution, parce qu’en restant acteur en interne on a des moyens d’actions pour s’opposer à l’actionnaire, même en appliquant la loi du silence. Aujourd’hui, à la retraite et donc en « inactif », j’ai retrouvé ma parole de citoyen, mais une parole éclairée par 37 ans d’expérience professionnelle et de coups de boutoir de l’État. Depuis des décennies, l’État français a volontairement créé les conditions pour tuer le nucléaire français et EDF, un patrimoine technique et humain que le monde nous envie. Les exemples sont nombreux, Creys Malville qui fermait le cycle combustible en sachant traiter les déchets nucléaires de très haute activité et en produisant plus de combustible nucléaire que ce qu’il en brûlait. On avait 40 ans d’avance sur le monde. Pendant ce temps, les chinois ont travaillé et nous ont dépassés. Le projet ASTRID avorté qui prévoyait de relancer les réacteurs de type Creys Malville. La centrale de Fessenheim, sûre et en parfait état de marche d’après l’Autorité de Sûreté, accrochée à un croc de boucher comme un trophée de chasse. Comme si cela ne suffisait pas, la loi n°1908 du 30/04/2019 qui prévoit toujours la fermeture de 12 autres réacteurs, dans le même bon état que Fessenheim. L’ARENH qui n’avait pas d’autre but de casser les reins du budget d’EDF pour ruiner ses capacités d’autofinancement du nouveau nucléaire, afin de placer la commission européenne arbitre de ce financement en actionnant le moyen de pression de la vente au privé de notre parc hydraulique. Les exemples ne manquent pas. Il y en a tant d’autres.

La seconde motivation est de faire contrepoids aux extrémistes de tous poils, qu’ils soient d’extrême gauche ou d’extrême droite et particulièrement les extrémistes VERTS qui prônent la collapsocratie, l’implosion du monde capitaliste de l’intérieur, avec un slogan repris par le gouvernement Borne « baisse, éteins, décale ta consommation électrique. » Adieu, la valeur de garantie de service au public h24.

J’ai adhéré à La République En Marche LREM en 2017, parce que j’ai cru, et je crois toujours, au « en même temps. » J’expliquerai mes motivations plus loin. Particulièrement dans le domaine de l’électricité quel que soit le moyen de production bas-carbone, qu’il soit nucléaire, hydraulique, éolien ou solaire, je crois toujours à ce en même temps-là, mais dans une logique « en même temps » éco-logique, économique et de souveraineté énergétique et géopolitique. Je ne crois pas à la logique exclusivement écolo et d’écologie politique, donc dogmatique. Je suis parti de mes actions de terrain de LREM le 22 février 2020, à l’arrêt du premier réacteur de Fessenheim. J’ai compris qu’en interne à LREM, il y avait autant d’antinucléaires que de nucléaires non convaincus. Je n’avais plus ma place dans cette logique d’écologisme et de 100% renouvelables, et donc de 0% nucléaire, prônés par Mmes Pompili et Borne aux commandes de cet extrémisme.

En résumé, je n’ai pas voulu la croisade antinucléaire, mais j’y étais prêt et armé grâce à mes 37 ans d’expérience professionnelle. De plus, en silence durant 37 ans, j’ai beaucoup appris des méthodes des ultras VERTS.

Situation actuelle et rôle des énergies renouvelables (EnR)

OM : Dans votre analyse du black-out en Espagne, vous soulignez que les énergies renouvelables non pilotables, à hauteur de 70 %, ont contribué à l’incident. Quels sont les principaux impacts des EnR sur la stabilité des réseaux électriques, et comment expliquer cette complexité au grand public ?

L’analyse est simple. L’électricité ne se stocke pas ou très peu. Toutes les secondes, la production doit s’adapter à la consommation sous peine de voir les deux paramètres structurant d’un réseau électrique varier significativement, à savoir la fréquence et la tension. Seuls les moyens de production « pilotables » sont capables de réagir respectivement avec la puissance active et la puissance réactive à chaque fois qu’un client allume une ampoule, pour éviter une dégradation de ce fragile équilibre pouvant aboutir à un black-out. Je parle des centrales au charbon, au fuel, au gaz, les barrages hydroélectriques et les centrales nucléaires, en les classant de l’impact du plus haut au plus bas-carbone. Autrement dit, les éoliennes et les panneaux solaires sont incapables de réagir à la moindre variation de consommation et . Autrement dit, plus il y a d’ENR intermittentes couplées sur le réseau moins il y a de moyens de production « pilotables » couplés. C’est mathématique. Au moindre aléa de fréquence et ou de tension sur le réseau, le peu de moyens de production « pilotables » couplés ne permettent pas de rétablir l’équilibre. C’est physique. Parce qu’ils sont prévus de fonctionner dans des gammes de fréquence et de tension, les moyens de production déclenchent alors les uns après les autres. C’est ce qu’on appelle l’effet « château de cartes » jusqu’au black-out.

Le 9 août 2019, au Royaume Uni, il y avait 40% d’ENRi couplées. La perte brutale de 1400MW a conduit à l’effet château de cartes sur la partie sud de l’Angleterre, entraînant un black-out de plusieurs heures. Le 28 avril 2025 en Espagne et au Portugal, avec 70% d’ENRi couplées, des oscillations de fréquence sont apparues, puis une surtension, puis un déclenchement d’une centrale solaire. Le peu de moyens de production « pilotables » étaient alors incapables de rétablir et la fréquence et la tension, provoquant un black-out d’une vingtaine d’heures, avec 5 morts à la clé.

Pour ces deux cas, les lignes d’interconnexion entre les pays européens sont comme des tuyaux d’eau. On ne peut y faire passer que ce qui est dimensionnellement possible.

Imaginez alors un 100% renouvelables ! Dans cette hypothèse, la seule façon d’éviter un black-out, c’est de faire ce que font les pays sous-développés, à savoir couper la consommation lorsque l’équilibre est compromis. J’ai passé un séjour dans un pays du proche orient avec des coupures toutes les 4 heures et des coupures sauvages. On réfléchit à deux fois avant de prendre l’ascenseur ! Vous me direz, la spécificité de Sapiens, c’est de savoir s’adapter pour survivre. C’est la logique de « baisse, éteins, décale ta consommation » prônée par Mme Borne. Voilà comment avec la logique antinucléaire, on passe de la garantie de service au public h24 au rationnement d’un bien de consommation, aujourd’hui, vital, particulièrement vital à l’activité économique d’un pays « développé. »

Vous critiquez l’idée d’un « 100 % renouvelable » prônée par certains responsables politiques. Pourquoi est-il, selon vous, irréaliste de se passer d’un socle de production pilotable comme le nucléaire ou l’hydraulique ?

Les adeptes du 100% renouvelables nous avancent deux arguments. Le premier, c’est l’argument du pilotage de la fréquence par les onduleurs des ENRi qui sont là pour transformer le courant continu issu des ENRi en courant alternatif nécessaire au réseau. Ils n’ont pas compris deux choses. C’est que sur un réseau électrique, la fréquence est le résultat de l’équilibre ou du déséquilibre de la consommation et de la production. La seule façon de rétablir cet équilibre et donc de faire varier la fréquence, c’est de faire varier la puissance active, ce que ne savent pas faire les ENRi. Et puis lorsque vous aurez trouvé dans le commerce des onduleurs qui fonctionnent avec des tensions de plusieurs dizaines de milliers de kV et des dizaines de milliers de MW, faites-moi signe !

Le second argument, c’est le stockage de l’électricité. Dans une logique éco-logique, on va tout de suite éliminer les batteries qui ont besoin de minerais extraits dans des mines polluantes sur des ressources terrestres, par définition, limitées et pour une durée de vie de 10 ans maximum. J’ai l’habitude de dire que si pour exister, les énergies renouvelables ont besoin de piller les ressources terrestres limitées dans des mines polluantes, elles ne sont pas renouvelables.

Le second argument ce sont les STEP, les Stations de Transfert d’Énergie par Pompage. C’est-à-dire que lorsque la production est supérieure à la consommation, on pompe l’eau pour la remonter au-dessus du barrage et on turbine cette eau quand c’est l’inverse. En France, nous sommes au maximum de nos capacités de barrages hydroélectriques. De plus, essayez aujourd’hui de construire un barrage qui va noyer une vallée. Un groupe d’ultras VERTS va transformer la vallée en ZAD, avec des heurts avec la police voire un mort.

Autrement dit, et c’est bien la leçon du black-out espagnol qu’a retenu RTE et REE, le gestionnaire du réseau espagnol, c’est de limiter à 50% la production des ENRi pour faire face à un aléa et donc de conserver un talon de 50% de moyens de production pilotable. On revient toujours au pragmatisme physique. Il aura fallu 5 morts dû à ce black-out pour comprendre la logique. Néanmoins, les politiques dans leurs déclarations n’ont toujours pas compris ou ne veulent pas admettre l’évidence. À l’inverse des décideurs industriels responsables devant la loi, un politique dogmatique n’admettra jamais être coupable.

Choix politiques et transition énergétique

OM : Vous avez pointé du doigt la PPE3 comme une continuation d’un clivage idéologique entre pro-nucléaires et pro-EnR. Quels sont les choix politiques récents qui, selon vous, ont aggravé ce clivage, comme la fermeture de Fessenheim ?

C’est plus qu’un clivage, c’est une blessure au cœur infligé par le gouvernement français en exercice. J’en ai déjà parlé plus haut. Fessenheim, sacrifié sur l’autel de l’écologisme, après la signature d’un accord politique entre les VERTS et le parti socialiste a été une blessure infligée à tous les salariés du nucléaire au regard de leur engagement. Imaginez ! L’Autorité de Sûreté Nucléaire, indépendante, avait écrit dans son bilan de l’année 2019, juste avant sa fermeture du 22 février 2020 et du 30 juin 2020, je cite « certains sites se distinguent de manière positive, dans le domaine de la sûreté : Fessenheim, Saint Alban et, dans une moindre mesure, Blayais. » Fessenheim était citée au premier rang du management de la sûreté des centrales françaises. La blessure n’était pas refermée, que Mme Borne se félicitait de la fermeture par ces mots « il y a ceux qui en parlent, nous on le fait. » Quelle violence !

Imaginez ! Vous êtes salarié du service au public. Plus d’un tiers de votre production est bradé au prix de 42€/MWh au-dessous des coûts de production à des « fournisseurs » dits « alternatifs », dont Total Énergie, qui n’investissent rien, ne produisent rien, ne transportent rien, ne distribuent rien, mais qui revendent au prix du marché. Acheté 42€/MWh, ces entreprises ont revendu cette électricité jusqu’à 3000€/MWh le matin du 4 avril 2022 (2). C’est ROYAL ! C’est ce qu’on appelle le dispositif ARENH, Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique » qui permet aux « fournisseurs » alternatifs de s’approvisionner en électricité auprès d’EDF dans des conditions très avantageuses fixées par les pouvoirs publics. Quand on connait le véritable objectif que j’ai cité plus haut, à savoir ruiner les capacités d’EDF d’autofinancement du nouveau nucléaire de sorte de placer la commission européenne en arbitre en faisant pression sur la vente de notre parc hydroélectrique, nos bijoux de famille, il y a de quoi être révolté contre les pouvoirs publics sur leurs choix politiques qui ruinent par pure idéologie la souveraineté énergétique, économique et géopolitique de la France que les politiques du siècle dernier avaient bâtie. Le pire, c’est que pendant ce temps-là, les Chinois travaillent et ont pris de l’avance. Irrattrapable !

Vous parlez d’une transition « éco-logique » qui manque à la France, notamment sur le transport et le chauffage, responsables d’émissions importantes de CO2. Quelles mesures concrètes l’État devrait-il prendre pour recentrer la transition énergétique sur la réduction des émissions ?

Comme je l’explique dans mon récent article sur European Scientist, depuis 13 ans, toutes les subventions publiques sont mises sur la construction d’ENR intermittentes. C’est ce que j’appelle une transition « électrique. » Cette transition électrique a déjà été faite au siècle dernier avec le Plan Messmer, qui a eu comme impact l’arrêt de la quasi-totalité du parc charbon et gaz français au profit d’un mix nucléaire et hydraulique à 97% bas-carbone. Force est de constater qu’aujourd’hui en 2025, on baisse tous les jours la production électrique bas carbone, le nucléaire, l’hydraulique, le solaire et l’éolien, avec même des exportations record d’une moyenne de 10GW en continu, l’équivalent de 10 réacteurs. C’est bien la preuve qu’il n’y a pas assez de consommation d’électricité bas-carbone ou trop de production d’électricité bas-carbone. C’est aussi la preuve que l’objectif des politiques au pouvoir était de remplacer le nucléaire (4g CO2/kWh) par de l’éolien et du solaire plus carbonés que le nucléaire (Respectivement 11g et 55g CO2/kWh) et pas de réduire les émissions globales de CO2. L’idéologie antinucléaire leur a fait oublier le réchauffement climatique et la nécessaire transition « énergétique. »

En France, les postes à fortes émissions de CO2 sont le transport routier et l’utilisation du gaz, notamment pour le chauffage. Alors que nous avons depuis 45 ans une électricité très bas-carbone, aucune subvention publique n’a été allouée sur ces postes. La voie de droite de toutes nos autoroutes est monopolisée par une file ininterrompue de camions. Le ferroutage électrique bas-carbone est inexistant et aucun investissement national n’est réalisé, ni même prévu. Imaginez les économies d’importation de pétrole réalisées !

Pour le chauffage individuel et collectif au gaz, des subventions publiques pour passer en pompes à chaleur alimentées en électricité bas-carbone entraîneraient des gains substantiels en émissions de CO2. Imaginez aussi les économies d’importation de gaz réalisées !

Je reste plus réservé sur la transition des véhicules thermiques en véhicules électriques, notamment par l’explosion des besoins en batteries qui nécessitent le pillage des ressources terrestres dans des mines polluantes. Même s’il y a un intérêt majeur sur la qualité de l’air des grandes villes, j’ai un peu de mal à voir la plus-value éco-logique globale.

Complexité et désinformation

Vous insistez sur la complexité des enjeux énergétiques, souvent mal comprise par le grand public et les élus. Quels sont les principaux malentendus ou simplifications abusives qui faussent le débat énergétique aujourd’hui ?

Si vous regardez la longueur de mes réponses depuis le début de cette interview, on comprend facilement que le sujet est plus complexe qu’un discours idéologique réduit à « le nucléaire, c’est dangereux. » En réalité, les idéologues de tous poils connaissent la faille du cerveau humain. Dès qu’on parle du danger d’un grand Satan, on prépare le terrain à des thèses simplistes et populistes avec un catéchisme bien huilé qui font accepter la logique de croisade qui entraînent les deniers du culte, ce qu’on appelle aujourd’hui les subventions publiques, pour mériter un paradis à venir. Vous y ajoutez que l’avenir de nos enfants en dépend, on est capable de lever des armées de templiers des temps modernes prêts à tout.

En termes de malentendus, les idéologues font l’amalgame de tous les types de centrales nucléaires comme simplifications abusives. On compare un réacteur RBMK 1 de Tchernobyl, de conception très instable à faible charge avec l’environnement immédiat protégé par seulement un hangar en tôle, à nos REP qui, par conception, ont des cœurs autostabilisants, qui s’étouffent quand ils montent en puissance et dotés d’une enceinte de confinement étanche et dont l’étanchéité est contrôlée tous les 10 ans. Le seul accident grave ayant impacté un réacteur REP, Réacteur à Eau Pressurisé, comme nous avons en France, a eu lieu à TMI, Three Mile Island aux USA, le 28 mars 1979 causant la fusion d’un tiers du cœur. Contrairement à Tchernobyl et à Fukushima qui n’est pas de technologie REP non plus, il n’y a pas eu de zone d’exclusion à TMI. Le cœur est à ce jour toujours fondu, mais on y vit à proximité.

Les politiques du siècle dernier ont écouté les professionnels de l’époque pour abandonner la filière UNGG, Uranium Naturel Graphite Gaz assez proche de la technologie russe, pour choisir les REP qui offrent un gage de sûreté qui a fait ses preuves. Autrement dit, oui le nucléaire est dangereux. Mais on risque plus de mourir en voiture avec 3000 morts par an ou 8 morts par jour en France de manière certaine que d’un accident nucléaire.

Par ailleurs, la compréhension de la production électrique et de la gestion d’un réseau électrique nécessite des notions d’électricité que la grande majorité des français ne maîtrise pas. Sur ce terreau de méconnaissances, c’est un jeu d’enfants de faire croire qu’on peut remplacer facilement une centrale nucléaire par une éolienne et des panneaux photovoltaïques. C’est aussi facile de faire comprendre que si on ne l’a pas fait plus tôt, c’est à cause du lobby nucléaire.

En fait, pour imposer la vérité d’un dogme, l’idéologie se base sur trois piliers, la peur, la méconnaissance et la répétition. C’est ainsi qu’on autoprogramme un cerveau qui ensuite fonctionne tout seul. La seule solution pour combattre une idéologie réside dans la pédagogie qui est la science de la répétition de la réalité des faits. C’est un combat vieux comme le monde. On en a brûlé des gens pour avoir donné la preuve physique que la terre était ronde, sans jamais l’avoir vue, alors que les Saintes Écritures disaient qu’elle était plate. D’ailleurs aujourd’hui, non seulement il existe toujours des adeptes du platisme. Et même si on sait aujourd’hui que la terre est ronde et pas au centre de l’Univers, il y a toujours la moitié de l’Humanité qui croit au dogme d’un Dieu unique qui nous protège de Satan, sans n’avoir vu ni Dieu ni Satan. Je précise que je fais la différence entre l’existence de Dieu et les religions créées par Sapiens et les déviances qu’il en a tiré. L’écologisme, notez le « isme », ne déroge pas à ces principes.

Concernant les élus, il était un temps où ils faisaient confiance aux professionnels, au siècle dernier notamment. Force est de constater qu’ils font aujourd’hui plus confiance à des idéologues avec une politique de terre brûlée. On remplace le nucléaire par 100% d’ENR qui revient à 0% de nucléaire, quel qu’en soit le prix en € et en émission de CO2. Suivez mon regard vers l’autre côté de la frontière, en Allemagne, toujours présentée comme la championne européenne de l’écologie, avec pourtant au minimum 10 fois plus d’émission de CO2 que la France pour sa seule production électrique.

En tant que coach et communicant, comment proposez-vous de rendre ces sujets complexes plus accessibles, tout en évitant que le public ou les décideurs ne soient « menés en bateau » par des approches simplistes ?

Comment communiquer sur des sujets complexes ? Comme je viens de le décrire, par la pédagogie et donc par la répétition de la réalité des faits ! Il convient d’utiliser les mêmes armes que les idéologues et leur répondre, ce que je n’ai pas pu faire durant 37 ans de loi du silence ou « devoir de réserve. »  Les réseaux sociaux, Youtube et les articles de presse sont de bons vecteurs de communication. J’ai trois stratégies complémentaires. D’abord, décoder les mécanismes de la propagande qui s’appuient sur les 3 piliers que j’ai décrits, peur, méconnaissance et répétition. J’avoue que les mécanismes sont tellement gros, que c’est assez facile.

Ensuite, il convient de contrebalancer avec les chiffres. Vous allez me dire, on peut faire parler des chiffres et leur faire dire ce que l’on veut. Oui ! Mais par exemple lorsqu’on répète à longueur de temps que l’Allemagne « flitoxe » toujours plus de CO2 et de particules fines que la France avec ses centrales à charbon après 500 milliards de deniers du culte à l’écologie, la répétition incessante marque les esprits. C’est un exemple, il y en a bien d’autres.

La dernière stratégie consiste à rendre pédagogiquement simple des sujets complexes à partir de vidéos courtes, comme celles-ci. C’est ce que j’ai fait lors du Black-out du 28 avril 2025, pour expliquer en quoi seuls les moyens de production pilotables sont capables d’éviter un black-out par leur réglage de la fréquence et de la tension en cas d’aléa sur le réseau.

Oui en effet. Après ma carrière dans le nucléaire qui a été aussi bien technique, managériale et dans le domaine des ressources humaines, il y a une logique. Quand vous avez passé 37 au service du public, c’est devenu une vocation. En management, j’ai accompagné un nombre incalculable de personnes embauchées, en cours de formation et pour faire aboutir leur projet professionnel. Le coaching, c’est aussi se mettre au service de l’autre pour l’accompagner là où il souhaite aller. J’ai voulu poursuivre dans cet accompagnement, mais dans une logique professionnelle, c’est comme cela que je me suis formé au coaching professionnel et me suis certifié à cette pratique. J’ai donc été formé à des outils du coaching professionnel et particulièrement la Spirale Dynamique de Clare Graves un docteur en psychologie du siècle dernier.

C’est un modèle de l’évolution de l’Humanité qui établit les 6 transcendances de niveaux d’existence, systèmes de valeurs et visions du monde par lesquels l’Homo sapiens est passé depuis sa révolution cognitive, il y a 70 000 ans. C’est devenu un outil d’accompagnement du changement dans de multiples domaines, l’éducation des enfants, le management, le coaching et … la politique. C’est un outil qui a été utilisé par exemple en Afrique du Sud pour sortir de l’apartheid et qui est aussi utilisé aujourd’hui. Si on connait la Spirale Dynamique, on sait la reconnaître dans le discours de « certains » politiques. Dans le livre que j’ai écrit sur le sujet « comprendre la Spirale Dynamique pour mieux l’utiliser » 2, j’en donne des exemples historiques et très récents. D’ailleurs, le « en même temps » est issu de ce modèle. Vous comprenez peut-être maintenant pourquoi j’ai adhéré à LREM en 2017 ! Je m’explique. Après les 6 premiers niveaux d’existence par lesquels Sapiens est passé, nous nous trouvons dans une crise existentielle majeure. Ces niveaux d’existence ne prônent que des dogmes tous antagonistes les uns avec les autres. Voulez-vous des exemples ? Les « ismes » des 3 religions monothéistes, le communautarisme, le capitalisme, le marxisme, le nationalisme, l’écologisme, le wokisme pour ne citer que ceux-là. Tout ce qui se termine en « isme » ne prône que la croisade et donc le pire. Alors que chacun d’entre eux porte en lui, en même temps, le meilleur. Par exemple, les commandements de Dieu comme « tu ne tueras point », la recherche scientifique du capitalisme qui permet d’éradiquer la mortalité infantile et vivre plus vieux, la mise en commun du marxisme pour le bien commun, la reconnaissance de l’identité du nationalisme, le respect de l’environnement de l’écologisme, le refus de toute forme de discriminations du wokisme, etc. D’où l’idée « d’intégrer ’’en même temps’’ le meilleur de tous les contraires dans une tension créative. » C’est le 7ème niveau d’existence que prévoit la Spirale Dynamique et auquel je crois. Et je vais vous faire un aveu. La Spirale Dynamique montre aussi que plus la crise existentielle est profonde, plus vite Sapiens prend conscience qu’il est dans l’impasse. Il va alors s’ouvrir à un nouveau paradigme qui le fera sortir de sa crise existentielle. Puisque je ne suis plus actif, ma stratégie est donc de « touiller » la crise existentielle de manière à montrer que la croisade antinucléaire contre antiENRi est une impasse. C’est ma contribution qui complète l‘action des actifs que j’étais, il n’y a pas si longtemps.

Vision pour l’avenir

Vous avez dénoncé la « collapsocratie » et l’impact économique des politiques actuelles, comme l’augmentation des prix de l’électricité. Quelles réformes ou actions concrètes permettraient, selon vous, de replacer l’expertise des « faiseurs » – ingénieurs, techniciens, experts de terrain – au centre des processus de décision énergétique ?

Le livre « De Gaïa à l’IA » de Jean Paul Oury, que je vous conseille de lire, explique ce qu’est la collapsocratie. Elle est née d’une haine farouche de la science que les adeptes tiennent comme LA responsable de la crise écologique d’aujourd’hui. Alors que c’est l’utilisation que nous faisons de la science qui est responsable de la crise écologique. Ce qu’ils oublient c’est que ce sont les progrès de la science qui pourront, avec « en même temps » un contrôle de son utilisation, nous sortir de cette crise écologique. La Spirale Dynamique, dont je parlais plus haut, explique très bien que le niveau d’existence VERT est apparu en réaction antagoniste et brutale du niveau d’existence précédent ORANGE de la révolution scientifique puis industrielle et la consommation quoi qu’il en coûte. En fait, ce sont deux dogmes qui s’affrontent. Il suffirait de ne prendre que le meilleur des deux dogmes et de laisser leur extrémisme respectif de côté, pour sortir de notre crise existentielle actuelle.

S’il y avait une décision majeure que la France pourrait prendre pour remettre le nucléaire et la transition énergétique sur les rails – une décision qui changerait vraiment la donne – quelle serait-elle, et pourquoi ?

On a raté ce coche ! Les politiques français au pouvoir depuis 8 ans ont raté le coche. Le « en même temps » de la Spirale Dynamique, qui a vocation à sortir de la crise actuelle, a été utilisé comme une opportunité de se démarquer des autres partis et non comme une stratégie d’accompagnement du changement. L’extrémisme VERT antinucléaire s’est exprimé au plus haut sommet de l’État, avec des ministres comme Mmes Pompili, Borne et Mr Hulot. Le « en même temps » devait pourtant, dès le début, bannir, en même temps, toutes formes d’extrémismes, 100% nucléaire et 100% ENR. C’est bien là où nous sommes arrivés aujourd’hui, une croisade anti contre anti. C’est tout l’inverse du « en même temps. »

Quelle serait alors LA décision qui changerait la donne. Plutôt que des mesures, de type PPE 3, nous avons besoin de vision et d’explication pédagogique de la vision. Comme je l’explique dans un récent article sur European Scientist, ça dépasse le domaine de la production électrique et énergétique. La santé, l’éducation etc. auraient besoin de vision également, plus que des mesures au coup par coup. Il nous manque des politiques qui nous donne une vision, une vision pragmatique et non dogmatique. Nous aurions besoin de vision de garantie de service au public h24 de l’électricité, une valeur franco-française ancrée dans notre culture avec un objectif de promotion de tous les moyens de production très bas carbone avec « en même temps »

  • Une logique industrielle prenant en compte les avantages de chacun des moyens de production et leurs contraintes industrielles respectives, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. On fait fonctionner les ENRi quoi qu’il en coûte sur les autres moyens de production. L’approche idéologique occulte l’approche systémique et globale.
  • Une logique éco-logique qui traite en priorité la baisse des émissions de CO2 et donc le réchauffement climatique par le transfert des usages carbonés en électricité, puisque nous avons une électricité bas-carbone depuis plus de 40 ans
  • Une logique de développement durable en privilégiant les moyens de production qui ont une durée de vie longue (rappel la durée de vie des éoliennes et des panneaux photovoltaïques est de 20 ans pour plus de 60 ans au nucléaire et à l’hydraulique)
  • Une logique de baisse des subventions publiques en boucle ouverte aux ENRi, parce que quand c’est rentable, on n’a pas besoin de subventions publiques. Pour rappel, le parc nucléaire français a été financé par emprunt remboursé sur le prix de l’électricité parmi le plus bas d’Europe. C’est ce qu’on appelle la rentabilité à long terme.

Des politiques pragmatiques qui agissent pour l’intérêt général, plus que pour l’imposition d’un dogme, c’est possible. Au siècle dernier, en 1960-70, nous avions des politiques qui écoutaient les professionnels qui demandaient de changer de filière UNGG moins sûre pour la filière américaine REP, que nous avons amélioré au standard français, notamment avec un parc nucléaire pilotable, une exclusivité mondiale. L’avenir leur a donné raison, le seul accident nucléaire grave et notable d’un REP à TMI aux USA n’a pas conduit à une zone d’exclusion comme à Tchernobyl et Fukushima. CQFD. Les professionnels de l’époque ont proposé aux politiques de construire un réacteur à neutron rapide Creys Malville, pour fermer le cycle combustible français, une mesure écologique de développement durable. Michel Ricard, premier ministre en 1989 écrivait ceci dans un rapport, je le cite, « l’essentiel des gains de CO2 rendus possibles par la substitution du nucléaire aux combustibles fossiles est aujourd’hui acquis pour notre pays. » Aujourd’hui, c’est 1989 ! Et « nos exportations actuelles d’électricité réduisent les émissions de CO2 de nos voisins. » C’est toujours le cas en aujourd’hui, 56 ans après les décisions du plan Messmer. Le parc nucléaire français inonde toujours l’Europe d’électricité très bas carbone à 4g CO2/kWh, quelle que soit l’heure de la journée et la saison, en faisant pencher la balance commerciale en notre faveur. En illustration, en 2024, les exportations d’électricité françaises ont atteint un record avec 89TWh d’exportation. Ça représente 11 réacteurs de 900MW tournant à plein régime durant les 24h des 365 jours de 2024 ! Quelle vision d’avenir les politiques du siècle dernier ont-ils eue !

En conclusion, je vais reprendre une partie de la conclusion de mon livre. Je ne verrai sans doute pas le saut de conscience que prévoit le visionnaire Clare Graves créateur de la Spirale Dynamique. Il est certain, que je ne verrai pas « le monde qui intègrera en même temps le meilleur des contraires dans une tension créative » mais je fais en sorte qu’il puisse émerger le plus rapidement possible. Ma situation « d’inactif » m’encourage à mettre ma contribution à creuser la crise existentielle pour que l’impasse de la croisade anti contre anti saute aux yeux des personnes de bonne volonté. Il y en a plus que ce que l’on croit. Ce ne sont pas ceux qui crient fort qui sont les plus nombreux. En attendant, il est évident qu’on va ressortir les vieilles recettes du passé, le marxisme et le nationalisme qui ont ruiné tous les deux le XXe siècle. La Spirale Dynamique nous apprend que c’est un classique du fonctionnement de notre cerveau de Sapiens en période de crise existentielle. Je le décris dans mon livre. Soyons confiants. Je ne vous prédis pas le paradis des idéologues mais un monde de sagesse. C’est ce qui manque au Sapiens que nous sommes. Vous doutez de notre sagesse ? Pourtant ! Je vous rappelle la définition de Sapiens, « l’hominidé intelligent et sage. » Intelligent, il l’a montré. Grâce à son intelligence, il a éradiqué les 5 autres espèces d’hominidés présents sur terre. Dès qu’il est sorti d’Afrique, il y a 70 000 ans, il a modifié l’écosystème à une vitesse telle que ce dernier n’a pas été capable de s’adapter. Aujourd’hui, l’Homo sapiens n’arrive plus lui-même à s’adapter à ses propres modifications du contexte qu’il a lui-même créées. La crise écologique, du réchauffement climatique, l’explosion de l’intelligence artificielle et autres en sont des exemples. Alors la sagesse… on commence quand ?

💡 Lire aussi : James Cameron, la clairvoyance d’un cinéaste dans la décennie des convergences 

Pour aller plus loin

Dans un monde en crise – du black-out ibérique de 2025 aux dérives antinucléaires menaçant notre souveraineté énergétique – le livre de Christian Sempéres, Comprendre la Spirale Dynamique pour mieux l’utiliser, offre une clé pour décoder et surmonter ces défis. Basé sur le modèle de Clare Graves, il explique comment les crises existentielles façonnent l’évolution humaine et comment identifier les systèmes de valeurs qui guident individus et sociétés. Face aux choix politiques dogmatiques – fermeture de Fessenheim, sur-dépendance aux renouvelables instables – Sempéres prône une approche pragmatique, intégrant « en même temps » le meilleur des visions pour dépasser les clivages.À travers exemples historiques et actuels, ce livre fournit des outils pour accompagner le changement et replacer l’expertise des « faiseurs » au cœur des décisions. Christian Sempéres allie savoir technique et vision systémique pour éclairer un avenir énergétique durable. Un appel à la sagesse pour un monde en quête de solutions.

  1. RBMK : Реактор Большой Мощности Канальный, soit réacteur à canal haute puissance[]
  2. https://www.amazon.fr/dp/2959257901[]

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