Article rédigé avec la participation d’un expert de la cybersécurité qui souhaite rester anonyme.
Hier, lundi 10 mars 2025, la plateforme X (anciennement Twitter) a été victime d’une attaque par déni de service distribué, ou DDoS, provoquant des interruptions de service importantes. Elon Musk, PDG de X, a rapidement pointé du doigt l’Ukraine comme origine de l’attaque, une affirmation qui suscite des doutes et mérite qu’on s’y attarde. Pas de panique : on vous explique ce qu’est une attaque DDoS, pourquoi il est complexe d’en identifier la source, et ce que les experts en cybersécurité en disent.
Qu’est-ce qu’une attaque DDoS ?
Une attaque DDoS, c’est comme un embouteillage numérique volontaire. Des milliers d’appareils (souvent piratés et regroupés dans un botnet, un réseau de machines infectées) envoient simultanément des requêtes à un site ou une plateforme, comme X. Le serveur, submergé, ne peut plus répondre aux utilisateurs légitimes, ce qui entraîne des pannes. Hier, X a été victime de ce type d’attaque, causant des perturbations majeures mais temporaires.
Ces attaques sont souvent menées via des botnets liés à des appareils connectés vulnérables, comme des webcams ou des enregistreurs vidéo. Dans ce cas précis, des experts ont identifié l’implication probable du botnet Eleven11bot, connu pour sa capacité à générer des attaques massives, jusqu’à 6 à 7 térabits par seconde.
D’où vient l’attaque ? Pas si simple à savoir…
Elon Musk a affirmé que l’attaque provenait d’Ukraine, en se basant sur des adresses IP qui sembleraient originaires de cette région. Mais retracer une attaque DDoS est bien plus compliqué qu’il n’y paraît, et les experts en cybersécurité appellent à la prudence.
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Les adresses IP peuvent être falsifiées : Dans certaines attaques DDoS, comme celles utilisant des protocoles UDP ou SYN/TCP, les attaquants peuvent spoofer (usurper) l’adresse IP source. Cela signifie qu’ils peuvent faire croire que l’attaque vient d’un pays, comme l’Ukraine, alors qu’elle est orchestrée ailleurs. Par exemple, un pirate pourrait se faire passer pour votre propre adresse IP pour attaquer une cible !
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Même sans spoofing, la source n’est pas l’attaquant : Dans les attaques où la source est traçable (comme un DDoS en TCP connect), l’adresse IP identifiée peut appartenir à un appareil piraté, manipulé à distance par un attaquant. Cet appareil peut être celui d’une victime innocente, et non celui du véritable responsable.
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Une expertise complexe est nécessaire : Identifier la véritable origine d’une attaque DDoS demande des ressources importantes, une collaboration internationale, et des analyses techniques poussées. Cela inclut l’étude des signatures techniques (comme des motifs spécifiques dans les paquets de données) ou des indicateurs de compromission (IoC). Ce matin, un IoC unique a été détecté : une bannière hexadécimale contenant des motifs comme « head[…]1111 » ou « head[…]11111111 », confirmant l’utilisation du botnet Eleven11bot.
En résumé, pointer du doigt un pays comme l’Ukraine aussi rapidement, comme l’a fait Musk, est hasardeux. Cela risque de détourner l’attention de la véritable menace et de compliquer les efforts pour atténuer l’attaque, qui reste la priorité des équipes de X.
Qui est derrière cette attaque ?
Selon des experts en cybercriminalité, l’attaque sur X pourrait être liée au botnet Eleven11bot, qui a fait parler de lui récemment. Ce botnet, composé de dizaines de milliers d’appareils connectés piratés (notamment des webcams et des enregistreurs vidéo), aurait été exploité par des hackers potentiellement liés à des équipes iraniennes. Voici ce qu’on sait :
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Un botnet puissant : Eleven11bot a été repéré fin février 2025 par Nokia et d’autres chercheurs en cybersécurité. Il aurait infecté jusqu’à 30 000 appareils dans le monde, majoritairement aux États-Unis, et est capable de générer des attaques massives de 6 à 7 térabits par seconde.
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Une origine probable en Iran : Selon des analyses de GreyNoise, plus de 60 % des adresses IP associées à Eleven11bot sont tracées en Iran. Certains estiment que ce botnet pourrait être lié à des équipes iraniennes, voire loué sur le dark web à d’autres acteurs, étatiques ou non. Cette hypothèse est renforcée par le contexte géopolitique : l’activité de ce botnet a explosé juste après que l’administration Trump a renouvelé des sanctions contre l’Iran début mars 2025.
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L’Ukraine, un coupable improbable : Les experts doutent que l’Ukraine ait les moyens techniques étatiques pour orchestrer une telle attaque. De plus, accuser l’Ukraine sur la base d’adresses IP est trop simpliste, surtout quand on sait que ces adresses peuvent être falsifiées ou provenir d’appareils piratés.
Que faire face à ce genre de menace ?
Pour une plateforme comme X, l’objectif principal est d’atténuer l’attaque et de rétablir le service, ce qui a été fait rapidement hier. Mais cette attaque nous rappelle quelques bonnes pratiques pour tous :
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Pour les entreprises et plateformes : Investir dans des protections contre les DDoS, comme des systèmes de filtrage ou de limitation de trafic, est essentiel. Collaborer avec des experts en cybersécurité peut aussi aider à mieux comprendre et contrer ces menaces.
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Pour les particuliers : Sécurisez vos appareils connectés (caméras, routeurs, etc.) en changeant les mots de passe par défaut, en mettant à jour les firmwares, et en désactivant l’accès à distance si inutile. Cela réduit le risque que vos appareils soient intégrés à un botnet comme Eleven11bot.
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Pour la société : Ces attaques montrent l’importance de rester vigilants face aux cybermenaces, surtout dans un contexte géopolitique tendu. Mais il est tout aussi crucial de ne pas céder à la panique ou aux accusations hâtives, qui peuvent alimenter des tensions inutiles.
En conclusion : restons prudents et informés
L’attaque DDoS subie par X hier est un rappel des défis de la cybersécurité à l’ère numérique. Si Elon Musk a désigné l’Ukraine comme responsable, les experts estiment que cette affirmation est prématurée et que des hackers liés à l’Iran, via le botnet Eleven11bot, sont une piste plus crédible. Retracer une attaque DDoS est un processus complexe, et il est plus utile de se concentrer sur la protection et la résilience que sur des spéculations.
Soyons vigilants, protégeons nos appareils, et faisons confiance aux experts pour éclaircir ces incidents. Pas de panique : le numérique reste un espace que nous pouvons sécuriser ensemble !
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Sébastien Tertrais: Auteur/AutriceVoir toutes les publications Fondateur et rédacteur en chef à OHERIC-Média